Fuite (Ayïn)

Ayïn marchait un peu plus lentement sous la chaleur déjà bien perceptible mais refuser de se retourner était un principe qu'il appliquait au mieux. Trois jours, trois jours déjà qu'il fuyait et pendant ce temps qu'il aurait lui-même qualifié d'errance un peu hasardeuse, ses maigres provisions avaient fini par disparaître. Quand bien même il rationnerait son eau, il ne pourrait jamais tenir bien longtemps. Si par chance plus qu'infime il y arrivait, il n'aurait sans doute pas la force de se battre pour sa vie, ce qui arriverait à coup sûr. Pourquoi avait-il agi aussi bêtement ? Il ne se souvenait pas vraiment d'avoir réfléchit un tant soit peu à son geste... Non, il en était certain... Dès que Yholïn avait manifesté sa peur et son désaccord, lui avait frappé avec adresse mais dans le dos... Un Yolden désarmé qui plus est et le chef du clan, son propre frère...

En bref, il avait toutes les chances du monde pour être poursuivit jusqu'à son dernier souffle et peut-être même par son jumeau si cela se trouvait. A cette idée, le jeune homme secoua vivement la tête et agrandit les pas, ne souhaitant même pas y penser. Si cela se produisait...
La main gauche gantée souleva un instant les cheveux tandis que le fuyard ralentissait son allure. Pesant sa gourde, il fit le constat simple qu'il ne saurait pas tenir avec si peu. Regardant où il se trouvait, il se décida à prendre le risque de trouver une oasis. Il pourrait y remplir sa gourde à loisir, si toutefois un autre clan ne s'y trouvait pas.

Quand aux caravanes, non seulement il n'avait pas de quoi les payer mais il risquait d'être une proie trop facile en cas de rencontre avec des marchands. D'autant que si cette dernière avait été avertie qu'un assassin ayant commit fratricide "lâche", il se ferait obligatoirement avoir. Il tenait à sa vie et eut un bref moment d'hésitation concernant ce qu'il allait faire. Fixant un point à l'horizon, il serra sa main droite sur le manche de sa dague double. Décision prise, il prit sa dague et désigna la ligne avec quelque chose de simple à comprendre en tête.

Ayïn:*Je vivrai ! Quitte à périr, pas question que ce soit en laissant la soif le faire.*

Rangeant d'un geste habile son arme le long de sa cuisse, le Yolden se remit en route en quête d'une oasis, les cactus du coin ne pouvant sans doute pas lui offrir le liquide vital nécessaire.

Ayïn finit par apercevoir la petite étendue miroitante et salvatrice mais ne se jeta pas dessus à corps perdu comme l'aurait fait un assoiffé en plein désert. Bien qu'il n'en soit pas loin, le Yolden resta sur ses gardes en approchant et resta en alerte en remplissant sa gourde, regardant les traces. Ce n'était pas très rassurant mais au moins il n'était pas tombé sur la troupe à qui appartenaient les empreintes. Par contre, là, ces empreintes reptiliennes le poussait à ne pas trop s'attarder dans le coin. Il en avait entendu parler des dragons et de ceux qui se devaient de les combattre pour entrer dans un ordre dont le nom lui échappa. Toujours est-il que l'être aux cheveux de feu ingurgita lentement de grandes rasades d'eau, prenant son temps, histoire de ne pas bêtement s'étrangler avec. Replaçant sa gourde dans son sac beige lui-même en bandoulière, Ayïn se redressa, gardant sa vision rivée aux traces.

Relevant le visage, il chercha du regard un point de repère lui indiquant par où il pourrait continuer. Son esprit s'égara quelque peu tandis qu'il profitait de la fraîcheur dégagée par l'étendue liquide. Il pouvait bien rester quelques instants non ? Sitôt dit, sitôt fait, l'assassin remit un genou à terre et s'aspergea quelque peu le visage, se passant également de l'eau sur la nuque. Il s'humidifia un peu les lèvres avant de se redresser, les sens en alerte. Cette zone calme avait quelque peu endormi sa méfiance et imperceptiblement, il effleura la garde de sa dague à double lame.

Prudence était comme son ombre et sa chevelure flamboyante dans un tel endroit un véritable repère devant cette eau pure. Gardant la main précieusement sur son arme, le jeune Yolden chercha une direction à prendre avant que quelque chose ne lui tombe dessus.

Ayïn:*Ne traînes pas ici.. Alors par où ?*

Se mettant la main gauche en visière, il scruta les alentours, aux aguets, sans faire un bruit.

D'un côté, avoir ce poids supplémentaire dans le sac pouvait s'avérer gênant mais il garantissait sa survie dans le désert donc il n'allait pas s'en plaindre. Avançant en faisant attention où il posait les pieds pour ne pas déranger une créature potentiellement mortelle, le Yolden se dirigea donc vers l'Ouest. De temps à autre, il mettait sa main gauche en visière, s'assurant qu'il ne s'écartait pas de la direction qu'il avait choisit. Foulées allongées sans que cela soit synonyme de course, il manqua maugréer un instant sur son allure peu rapide mais s'en retint. Il n'était pas du genre à s'énerver sans raison, à moins qu'il y ait véritablement quelque chose qui le contrarie ou...

Fronçant les sourcils, le Yolden perçut bientôt une odeur désagréable pour les narines, rassurante s'il s'agissait du feu de camp en pleine nuit mais terriblement dangereuse si elle accompagnait une troupe qui l'aurait poursuivi. Il s'immobilisa immédiatement après avoir songé à la dernière possibilité et se rassura en portant de nouveau la main à son arme. Le contact de cette dernière lui permettait de se concentrer davantage, d'être plus vigilant bien que ce soit plus de l'auto-stimulation qu'un réel pouvoir de cet objet. L'odeur attira son attention et si c'était bien des assassins après lui, il se devait d'en avoir le coeur net.

Prudemment, comme pour chaque action qu'il entreprenait, il se décida à escalader le monticule qui lui offrirait peut-être un meilleur champ de vision mais risquait également d'en faire une cible bien visible. Le Yolden se courba légèrement, avançant au ralenti lors de son escalade. Cela aurait été idiot de débouler façon gros animal, bien qu'avec sa carrure ce ne soit pas facile, et se retrouver au beau milieu d'un rassemblement.

Ayïn:*Voyons voir un peu...*

A moins d'un incident majeur, il allait parvenir au sommet et savoir si oui ou non il y avait vraiment besoin de s'inquiéter.

Petit exercice d'escalade réussit sans problème, le Yolden parvint enfin au sommet et eut droit à une scène à laquelle il ne s'attendait pas. Sa mâchoire se desserra quelque peu, laissant place à une expression un peu moins tendue. Il ne se souvenait pas avoir vu une caravane un jour dans cet état et il lui fallu un léger instant pour se décider à descendre. Au moins il savait d'où émanait cette odeur et l'espace d'une seconde, il se dit qu'il avait eu de la chance de ne pas avoir été avec cette caravane. Il restait curieux mais méfiant tandis qu'il amorçait son aller simple vers les restes de ce convoi. Il avait d'abord dans l'idée de vérifier si tous les voyageurs avaient bien trouvé la mort, aussi violente soit-elle puis voir ce qu'il restait de la cargaison puis s'intéresser à ce qui les avait tué.

Ayïn n'était pas vraiment curieux mais ce n'était pas tous les jours qu'un fuyard tombait sur une caravane dans cette état. Une opportunité pour un opportuniste, pas la peine de chercher plus loin, n'est-ce pas ? Gardant la main sur sa dague, l'assassin se dirigea d'abord vers le premier corps qu'il trouva, examinant les traces sur la méthode qu'on avait employé, violente et sans merci visiblement. Il avait de la chance dans son malheur puisqu'il avait échappé à ce carnage et se retint de se féliciter, songeant qu'il y avait probablement une chance pour que ceux qui avaient perpétré un tel acte reviennent.

S'écartant des corps, le jeune aux cheveux flamboyants se dirigea avec toujours autant de prudence vers ce qui semblait intact côté cargaison. Avec un peu de chance, il trouverait des objets utiles voire quelques babioles qu'il pourrait revendre à un marchand ambulant. Prospecter ne l'empêchait pas de relever la tête pour scruter les alentours, à l'affût d'un bruit suspect.

Ayïn:*Voyons voir...*

Véritable carnage et micro-scène apocalyptique étaient le genre de pensées que l'assassin apposait sur la vue d'ensemble. Il n'y avait visiblement rien à faire pour eux et d'un autre côté, Ayïn se disait qu'il valait peut-être mieux. Réussir à soigner quelqu'un qui pourrait le reconnaître et le dénoncer à la première occasion, hors de question. Par contre, trouver des denrées le mettait de bien meilleure humeur. Non seulement il n'allait rien avoir à dépenser mais en plus il allait pouvoir se faire quelques réserves de nourriture. Joignant le geste à la parole, le Yolden se saisit de cinq morceaux de viande séchée, la même quantité d'aliments carnés salés et huit fruits séchés. Avec ca, il aurait de quoi tenir un moment et sa gourde pleine lui garantissait qu'il n'aurait pas à refaire le plein avant quelques temps.

Sens en alerte, Ayïn s'intéressa également à la farine et au riz mais cela risquait de l'encombrer pour rien ou de se balader dans son sac. Cela l'ennuyait d'autant plus que le riz nécessitait une certaine quantité d'eau pour être préparé convenablement. Perdre du liquide précieux en plein désert aussi bêtement le rebutait. Son regard tomba sur l'une des dagues Alnden qui attira donc son attention. Légère, utile sans aucun doute et il avait justement une petite place sur l'intérieur de sa bottine gauche pour l'y loger, ce qu'il fit d'ailleurs.

En dernier, il fut intrigué par ce qui avait été laissé côté bijou. Un si beau collier d'argent ne pouvait décemment pas être laissé aussi négligemment sur le sol. Il se fit la même réflexion quant à un bracelet en or et une bague dans la même matière. Il avait beau être opportuniste, il n'en prit qu'un exemplaire de chaque qu'il espérait pouvoir échanger contre de la monnaie. Il songeait que s'il en prenait plus, on risquait tout bonnement de le prendre pour un cambrioleur. Un genou à terre, il remplit son sac beige, toujours sur le qui-vive et se fit un rapide rappel de ce qu'il avait prit.

Ayïn:*Bon... J'ai donc cinq viandes séchées et salées, huit fruits, une dague... Sans oublier un collier d'argent ainsi qu'une bague et un bracelet d'or... *

Effleurant son arme à double lame, l'assassin scruta le silence de ce champ de bataille. Peut-être que les assaillants étaient de ceux ayant maîtrisé la magie ou de vulgaires pillards mais assez étranges pour laisser des objets aussi précieux derrière eux. Toujours est-il que le Yolden vérifia qu'il n'y avait rien d'autre de remarquable dans le coin, sa main constamment sur la garde de son arme. Il lui faudrait aussi choisir une direction si rien ne lui tombait dessus entre temps.

Une seconde, un petit instant suffit et hop ! Un bruit incongru, inattendu et vraiment pas rassurant se fit entendre. Quand même, celui ou celle qui avait réussi à marcher sur une branche dans ce désert n'avait soit pas de chance du tout, soit se moquait vraisemblablement de faire du bruit. Dans les deux cas, à moins qu'il s'agisse d'une branche destinée à se briser seule sous le vent que l'assassin ne sentait même pas, ce dernier n'était donc plus seul. Mauvaise chose ça que de se faire surprendre par quelqu'un ou quelque chose dans cet endroit. Bon, d'accord, les chariots renversés lui offraient une protection relative mais tout de même.

N'attendant d'ailleurs pas un instant de plus, le Yolden sortit sa dague à double lame des accroches sur sa cuisse et la garda en main, méfiant. Il se réfugia dans la protection du chariot le plus proche et se décida à regarder quel était la raison de ce bruit. Ce pouvait être un simple lézard comme un chasseur de prime ou un autre assassin. Toujours est-il que Ayïn se méfiait et se mit à scruter la zone d'où semblait parti le bruit, sa main serrée sur le manche de sa lame courte. Ses yeux reptiliens scrutèrent l'endroit.

Ayïn: *A quoi j'ai droit... *

Zut, à trop précipiter sa mise à l'abri, il en avait oublié d'étudier la zone et avait bien entendu négligeamment trouvé refuge là où il ne pouvait rien voir. Un tel coup de chance pour un fugitif tel quel lui allait évidemment avoir son poids équivalent en ennuis, c'était une quasi certitude. A moins que Ayïn ne se fasse des idées pour rien, il avait bien raison d'être méfiant et garda son arme au niveau du visage, se baissant légèrement en avant. Il dressa un instant les oreilles, de façon imagée, en percevant un bruit. Un cri ? Etait-ce bien un cri ? Quelqu'un qui agonisait ? Une petite créature des zones arides comme celle-ci ? Que pouvait bien être l'origine de ce son ? Le Yolden réfléchit l'espace d'un instant. Il était un assassin, pas un tortionnaire ou un être de glace tout de même.

Armant son bras, penché en avant, le Yolden aux cheveux flamboyants s'avança vers le chariot qui lui cachait la vue à pas discrets. Avec de la chance, de là où il se trouverait, il pourrait voir ce qui l'avait ainsi mit sur ses gardes. Avec précautions, il atteignit le chariot qui bloquait son champ de vision et, dague du clan en main, serrée avec force mais pas trop pour ne pas se laisser de marque, le jeune fuyard se décala assez pour savoir ce qui se tramait. S'il s'agissait d'un mourant, il aviserait. Dans le cas d'un animal, ce serait sans doute la même chose donc dans tous les cas de figures, il verrait en conséquence, sans résuire sa méfiance.

Ayïn: *Cette fois-ci... *

Accompagnant sa pensée, il embrassa la zone du regard, à la recherche de ce qui avait provoqué son état du moment.

Ayïn restait quelque peu tendu par sa méfiance, veillant au mieux à ne pas se faire surprendre par une personne qui en voudrait à sa tête. Tout d'abord, il ne vit rien de spécialement dangereux, chose qui, au lieu de le soulager, ne le fit que se sentir davantage perplexe. Etait-ce son imagination qui commençait à le rendre paranoïaque et entendre des bruits imaginaires ? Quelqu'un qui savait manier la magie pour se soustraire à la vue ou un petit animal ? Le Yolden plissa les yeux et à force d'attention, aperçut les pieds dépassant de la bâche. Instant réfléxion et vérification qu'il tenait toujours son arme en main. S'agissait-il d'un survivant ? D'un autre corps ou d'un piège basé sur la curiosité de la proie ?

Ayïn jeta un oeil autour de lui puis s'approcha de la bâche, tendant la main vers cette dernière. Son autre main était serrée sur son arme, parée à répondre à la moindre marque d'agressivité. L'assassin aurait peut-être l'avantage s'il s'agissait d'un piège mais s'il s'agissait simplement d'un survivant ? Agacé, le Yolden finit par se saisir de la bâche et inspira un instant, son regard reptilien rivé à cette dernière.

Ayïn:*Un... Deux... *

En pensant à 'trois', il bondit en arrière, attirant la bâche avec lui, bien décidé à savoir ce qui se cachait en dessous, sa double lame ramenée devant lui, en bouclier. Là, il allait être fixé sur l'état de la personne.

La bache révéla l'intérieur de la charette renversée, ainsi qu'une gamine Mälden visiblement terrorisée et recroquevillée à l'intérieur. Elle devait avoir 12 ans, par là.

Celle-ci se mit à hurler en voyant Ayïn et brandit un ours en peluche déjà abîmé pour le frapper avec, tout en continuant de crier à qui voulait l'entendre :

"Me touchez pas ! Me touchez pas ! Me touchez pas !"

Au rythme de l'arme mortelle qu'était l'ours en peluche marron et qui perdait son rembourrage en laine.

Ayïn se décala et eut un air entre la surprise et l'incrédulité peint sur le visage. Oui, il s'était attendu à trouver quelqu'un mais soit mort, mourant ou au moins adulte ! Là c'était une enfant, une enfant d'ailleurs effrayée ce qui était plutôt normal au vu des circonstances. En l'observant entre deux coups de peluche, il vit qu'il s'agissait d'une Mälden ou crut le savoir et chercha un moment de calme pour penser un instant. Que pouvait-il donc faire ? Certes il était un assassin, certes ce n'était pas une Yolden mais de là à ôter la vie de l'unique rescapée du convoi... Il avait toujours cette aversion pour les autres races et savait que cela ne lui attirerait que des ennuis supplémentaires de se préoccuper d'elle. Elle avait beau être jeune, si elle prenait suffisamment d'assurance, elle pourrait peut-être la poignarder dans le dos, ce qui serait ironique vu qu'il était assassin.

Il avait beau être partagé entre plusieurs décisions possible, il en prit une en se décidant à desserrer les lèvres. Un mètre soixante sous des coups de peluche ce n'était quand même pas agréable. Il regarda la laine s'échapper et recula davantage pour échapper aux coups, mettant une certaine distance entre eux. Ses yeux reptiliens scrutaient la forme, cherchant à voir si elle était bien plus blessée qu'elle en avait l'air. Cela lui coûtait mais il finit par faire entendre sa voix.

Ayïn:Tu m'as frappé en premier.

Il abaissa légèrement son arme comme pour la ranger sur les accroches de sa cuisse. Ce qui était certain c'était qu'il venait de faire une chose qu'il risquait de regretter, parler à la fillette au lieu de fuir ou de s'en débarrasser sur le champ.

L'assassin eut le temps de l'examiner et trouva que pour une rescapée, son attitude était digne et plutôt combattive. Certes, c'était sans doute motivé par la peur et par réflexe que par volonté mais le résultat était là. Le Yolden, bien que méfiant, n'arrivait pas à prendre de décision concrète la concernant, se disant qu'il n'y avait sans doute aucune raison pour qu'elle aie entendu parler de lui et de son crime. Néanmoins, elle était Mälden et il ne se permettait pas vraiment de lui accorder de l'importance d'autant qu'il avait autre chose en tête que le bien d'une gamine. Que pouvait-elle bien lui apporter en prime ? Qui était-elle d'ailleurs ? Une petite gamine ? Une enfant de riches ? Une esclave ? Toutes ces interrogations commencèrent à agacer l'assassin qui finit par replacer sa dague sur sa cuisse.

Il garda le silence et regarda autour de lui, se demandant si elle aurait une chance de s'en sortir seule dans le coin et se porta aussitôt la main au front. Mais pourquoi pensait-il au devenir de cette gosse ? Ce n'était pas son problème après tout et c'était une Mälden ! Elle était jeune, choquée ET Mälden ! Elle le regardait avec un air menaçant mais Ayïn avait vu pire dans son existence après tout. Il fit un autre pas en arrière, cherchant par où il pourrait se diriger puis comme malgré lui, il reporta son attention sur la gosse, ses yeux de reptile la fixant avec autant de force que possible.

Ayïn:Tu dois être la seule rescapée, tu comptes rester là à attendre la mort ?

Après tout, elle était seule aussi et peut-être qu'il pourrait tirer quelque chose de cette gamine... Bien qu'elle soit Mälden.

La fille se détendit à peine lorsque Ayïn fit disparaître sa dague. Elle ne quittait pas le Yolden des yeux et semblait éprouver tout autant d'aversion pour lui qu'il en éprouvait pour elle. Au moins, ça leur faisait un premier point commun.

Lorsqu'il posa sa nouvelle question, son attitude menaçante disparut pour laisser simplement place à la peur et elle se glissa derrière son nounours comme s'il était capable de lui offrir rempart face à tous les monstres du monde.

Au bout de quelques instants, on entendit sa petite voix sortit de derrière la peluche :

"J'attend mon papa. Il m'a dit de rester cachée ici."

L'assassin était fixé sur un point, la fillette l'appréciait autant que lui envers elle et franchement, il s'en moquait un peu. Lui était recherché pour meurtre alors qu'une gosse Mälden ne l'aie pas dans son coeur, il avait autre chose qui prenait le pas dessus. Il avait fait le plein de vivres, avait récupéré des objets qu'il pourrait probablement revendre s'il en avait l'occasion. Il lui faudrait d'ailleurs bientôt se remettre en route au cas où il aurait effectivement des poursuivants aux trousses. Il méditait sur le meilleur chemin à prendre ou la direction à suivre pour plus de sûreté quand il vit la gosse bouger et réagir véritablement comme la fillette qu'elle était. Lui n'avait jamais eu le loisir de se blottir contre une peluche ni même se permettre de montrer sa crainte à un inconnu. Il écouta ses dires et effleura son arme à la mention du père. Il était pourtant certain de ne pas avoir vu d'autres survivants sur les lieux mais peut-être s'était-il trompé et ranger sa défense pourrait alors s'avérer une erreur.

En y réfléchissant, il songea que cette Mälden n'avait peut-être plus de parents après l'attaque, chose qu'ils auraient de plus en commun mais cet élan de sentimentalisme s'arrêta net. Il était Yolden, un assassin et fuyard qui plus est et elle était une gamine d'une race pour laquelle il avait une aversion ancestrale. S'il s'en préoccupait davantage, il risquait de se charger d'un fardeau supplémentaire. Cette perspective commençait à l'agacer et son regard se reporta sur la gamine.

Ayïn:Reste pas plantée là. Va voir si ton parent n'est pas parmi les morts.*Elle aura l'air maligne d'attendre en vain un mort.*

Mais qu'est-ce qu'il lui arrivait de lui adresser la parole ? Pourquoi donc se soucier d'une inutile ? Ayïn se porta la main à la tempe en poussant un souffle agacé et fit quelques pas l'éloignant de la Mälden. Malgré sa réticence, il était quelque peu curieux de savoir ce qu'un être aussi visiblement fragile pouvait avoir la capacité de faire. Bien qu'il lui tourne presque le dos, aux aguets, il gardait un oeil rivé sur elle.

Les yeux de la fille apparurent de derrière la peluche. Elle fixa Ayïn alors qu'il plaçait sa remarque et, sans avertissement préalable, fondit en larme façon chute du niagara. Le Yolden avait vraiment tout gagné. Si quelqu'un passait dans les parages, il risquait fort d'être alerté par les plaintes de la gamine.

"Mon papa est pas mort !" hoqueta-t-elle entre deux pleurs. "Il a dit de me cacher et qu'il reviendrait quand ils seraient partis. Il va revenir !"

Elle lui lança ensuite un regard meurtrier.

"Espèce de menteur !"

La psychologie Mälden mais surtout des enfants n'étant pas son fort, Ayïn se retrouva avec une gosse en pleurs sur les bras. Quoique non, il pouvait très bien reprendre la route sans perdre davantage de temps avec une gosse qui n'était pas de sa race. Il détestait entendre pleurer surtout pour quelque chose comme ça mais peut-être était-ce dû au fait qu'il s'était endurci à force d'entraînement et de contrats. Plus il restait là, plus il risquait de se faire surprendre par des chasseurs de prime ou assassin à sa recherche. Il écouta la fillette faire ce que tout enfant ferait dans ces cas-là, affirmer avec conviction que la personne reviendrait. Le Yolden n'arrivait plus à la regarder en face car bien qu'elle soit enfant, il avait la sensation qu'affronter son regard l'empêcherait de raisonner normalement. Il redressa néanmoins la tête quand elle le traita de menteur.

Sur quoi avait-il menti ? Il lui avait dit de voir si le corps de son père n'était pas parmi ceux des tués au combat. Il haussa les épaules et lui tourna résolument le dos, cherchant à savoir si les pleurs n'avaient pas alerté quelqu'un, sa main touchant la garde de sa lame traditionnelle. Il s'éloigna de quelques pas supplémentaires, scrutant les alentours. Après tout, cette enfant n'attendait rien de lui alors pourquoi devrait-il lui être d'une quelconque utilité ? Peut-être n'aurait-il pas du soulever cette fichue bâche et peut-être qu'il aurait du garder le silence une fois cela fait. De toute manière, à présent, il gardait les lèvres closes. Si effectivement le père de la gamine risquait de revenir, ce n'était pas bon pour lui.

L'assassin retourna sur ses pas et se posta non loin de la fillette qu'il ne parvenait plus à regarder en face. Si elle avait encore de la famille, il ne pouvait pas se permettre de l'abattre, quand bien même il se savait détesté par cette petite. De toute façon, il y avait encore de quoi se nourrir sur les lieux mais le Yolden se sentit bientôt intrigué et sachant pertinemment qu'elle risquait de ne pas lui répondre, il scruta un chariot et laissa passer une question. Ce serait sans doute l'une des dernières, sa propre sécurité le préoccupant.

Ayïn: Qui "ils" ?

Ce ne pouvait pas être des assassins à sa recherche puisqu'ils n'auraient vraisemblablement pas attaqué une caravane avec une telle brutalité. La Mälden ne saurait sans doute rien mais Ayïn n'en faisait pas grand cas. De toute manière, il n'avait pas en projet prioritaire de jouer les gardes d'enfants, surtout pour une gamine comme elle.

L'enfant renifla plusieurs fois avant de faire l'effort de répondre, d'une voix tremblante.

"Ils avaient des ailes. Comme des anges. Mais ce n'était pas des anges," murmura-t-elle en se cachant encore une fois derrière sa peluche. "Ils voulaient quelque chose qu'il y avait dans un gros coffre."

Elle marqua une petite pause et sa voix se fit ensuite plus assurée :

"Ils ont dit que c'était important, que ça appartenait aux Helden. Et que les Helden comptaient l'apporter au roi... Euh... D'ici. Mon papa aidait les Helden et les Alnden à protéger le machin. Ils appelaient ça une relique, je crois. Mais ils ont rien voulu me dire."